Fier d’être fier

MONTRÉAL – Êtes-vous fier ?

Fier d’être Québécois, Montréalais ou Beauceron, fier d’être gay ou trans, fier de votre char, de votre gazon, de votre réussite, de votre coupe de cheveux, de votre bronzage ou de vos tatouages ?

Irez-vous au défilé de la Chose, cet après-midi ?

Pas besoin d’être gay pour se joindre à la fête, on coupe dans les mots et on tire la langue de bois à l’ostracisme. On murmure encore des formules comme LGBT, oups ! s’cusez, ça, c’était l’an dernier, il faut maintenant dire LGBTQ. L’an prochain, dans sa volonté d’inclure tout le monde et son père, l’acronyme va encore prendre du galon : LGBTQM ( M pour macho ? ) ou LGBTQGM ( GM pour génétiquement modifié ? mais alors gare à Monsanto ! ), ce sera au goût du jour. Rappelez-vous, ça s’appelait tout bêtement le défilé de la Fierté gay, tout le monde s’en rappelle, bien que personne ne le rappelle. C’est vrai, en écoutant Salut bonjour ou la SRC, ce matin, on parlait du défilé de la Fierté et on ne nous rappelait pas le vilain petit gay qui, naguère, faisait à « la satisfaction d’amour-propre » un appendice qui aujourd’hui aurait l’air d’un furoncle.

Pour ne pas être en reste dans le défilé, je brandis ma bannière : « Ça me dérangerait pas d’être homosexuel, pourvu que je sois lesbienne ! »

Aujourd’hui, on va voir parader La Baudruche, qui flotte sur tout à la mairie, au côté du fils du père de la loi qui a fait sortir l’État de la chambre à coucher des citoyens. Il y en a qui vont aller assister au défilé juste pour voir Coderre et Trudeau marcher main dans la main. Moi je les trouve très consensuels.

Justement, en parlant de Montréal – qui croule sous sa fierté en ruines à l’occasion de ses 375 ans – il y a une candidate à la mairie qui commence à m’intéresser drôlement, je dois encore demander à mon fils de me répéter son nom, mais je n’oublierai ni son génial slogan ni de voter pour elle quand viendra l’heure.

La langue de bois, celle qui dénonce l’audace d’une femme se décrivant comme « l’homme de la situation », cette langue de bois me scie les côtes.

Madame Valérie Plante, je suis prêt à croire que vous êtes l’homme de la situation et vous avez gagné mon vote haut la main. Votre slogan ne relève pas du cynisme, il est plutôt machiavélique. Vous avez habilement déclenché une guéguerre de mots, une diatribe des langues de bois, c’est merveilleusement winner. Félicitations.

Quand mon petit était petit, je ne l’ai jamais emmené voir le Défilé de la Fierté gay parce que je ne comprenais pas qu’on puisse être fier de montrer des hommes à moitié nus vêtus de bikinis de cuir, portant des casquettes d’Allemands et agitant des fouets, comme si c’était une chose normale.

Aujourd’hui, c’est mon ado qui m’emmène au défilé des candidats à la mairie.

Valérie est l’homme de la situation.

Et je suis bien fier d’être fier d’elle !